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à s’emparer de Weï-Haï-Weï ou de Port-Arthur ou de l’île de Cuba, comprenez que cette question vous est non seulement indifférente, mais que chaque prise semblable faite par votre gouvernement vous nuit parce qu’inévitablement elle entraîne après elle toutes sortes de pressions, pour vous forcer de prendre part aux pillages et aux violences qui sont nécessaires pour les accaparements ou pour la rétention de ce qui est déjà conquis. Comprenez que votre vie ne peut nullement s’améliorer parce que l’Alsace sera française et non allemande, et l’Irlande et la Pologne libres et non assujetties ; n’importe à qui elles appartiennent, vous pouvez vivre où vous voulez ; et si même vous êtes Alsaciens, Polonais ou Irlandais, comprenez que chaque excitation du patriotisme ne fera qu’empirer votre position, parce que cet asservissement où se trouve votre peuple ne provient que de la lutte des patriotismes et chaque manifestation du patriotisme chez un peuple provoque la réaction contre ce sentiment chez un autre. Comprenez que vous pourrez vous délivrer de tous ces fléaux seulement quand vous serez affranchis de l’idée vieillie du patriotisme et de la soumission aux gouvernements qui en est la base, et quand vous entrerez hardiment dans le domaine de cette idée supérieure de l’unité fraternelle des peuples, qui est déjà depuis longtemps entrée dans la vie et qui vous appelle de toutes parts à venir à elle.

Que les hommes comprennent seulement qu’ils ne sont pas enfants de quelques patries ou États, mais