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ploité par les hommes ambitieux et puissants avec le bonheur des peuples.

« Et par quelles horreurs ne passe-t-on pas pendant la guerre ! Je ne les oublierai jamais, ces gémissements plaintifs pénétrant jusqu’à la moelle des os.

« Les hommes qui ne causent jamais de mal les uns aux autres s’entretuent comme des bêtes féroces et des âmes petites, serviles, mêlent le bon Dieu dans ces affaires !

« Une balle a fracassé la mâchoire à mon camarade voisin. La douleur fit perdre l’esprit au malheureux. Il courait comme un fou et sous l’ardeur brûlante de l’été, il ne pouvait même pas trouver de l’eau pour rafraîchir sa terrible blessure.

« Notre commandant, le Kronprinz Friedrich (dans la suite le noble empereur Friedrich) écrivait en ce temps-là dans son journal : « La guerre, c’est une ironie de l’Évangile… »

Les hommes commencent à comprendre la tromperie du patriotisme dans laquelle les gouvernements, avec tant de zèle, tâchent de les retenir.


VIII


— Mais, dit-on ordinairement, qu’arrivera-t-il s’il n’y a pas de gouvernements ?

— Il n’arrivera rien ; il arrivera seulement que ce qui était déjà depuis longtemps inutile et, par conséquent,