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dans sa maison, resta un moment planté là, puis, se détournant, s’en alla.

Marie Sémionovua se sentit mal à l’aise. Mais, lorsqu’entrée dans la maison elle se mit à distribuer les petits présents rapportés pour le vieux et pour son petit neveu scrofuleux, Fédia, et qu’elle eut caressé le chien, Trésorka, qui aboyait de joie, de nouveau elle se sentit bien, et, après avoir remis l’argent à son père, elle se mit à travailler, car la besogne ne lui manquait jamais.

L’homme qu’elle avait rencontré était Stepan. De l’auberge où il avait tué le propriétaire, Stepan n’était pas allé à la ville ; et, chose étonnante, le souvenir de son meurtre non seulement ne lui était pas désagréable, mais, plusieurs fois par jour, il se le remémorait exprès. Il lui était agréable de penser qu’il avait pu le commettre si proprement, si habilement, que personne ne le saurait et ne l’empêcherait de faire la même chose à d’autres.

Attablé dans une auberge où il prenait du thé, il examinait les gens toujours avec la même idée : comment les tuer ? Il partit passer la nuit chez un charretier de son pays. Le charretier n’était pas à la maison. Stepan dit qu’il l’attendrait et resta à causer avec sa femme.

Mais, comme elle se retournait vers le poêle, il lui vint en tête l’idée de la tuer. Surpris lui-même, il hocha la tête, puis tira de la tige de sa botte un couteau, renversa la femme et lui coupa la gorge. Les enfants se mirent à crier. Il les tua, et quitta la ville sans rester à coucher. Au-delà de la ville – dans un village – il entra dans une auberge et y passa la nuit. Le lendemain il alla de nouveau au chef-lieu de district, où, dans la rue, il entendit la conversation de Marie Sémionovna avec le maître