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l’église, se mit à dire qu’il faudrait une bonne leçon aux athées, afin qu’ils ne troublent plus les gens. Et ce jour, pendant que Missaïl déjeunait de saumon et de lavaret, en compagnie du pope et d’un inspecteur venu de la ville, une bagarre avait lieu au bourg. Les fidèles orthodoxes s’étaient massés près de l’isba de Tchouieff et attendaient la sortie des sectaires pour les mettre à mal. Ils étaient là une vingtaine de sectaires, hommes et femmes. Le sermon de Missaïl, l’attroupement des orthodoxes, et leurs paroles menaçantes, firent naître chez les sectaires de mauvais sentiments qu’ils n’avaient point auparavant. Le soir vint. Il était temps pour les femmes d’aller traire les vaches. Les orthodoxes étaient toujours là et attendaient. Un garçon s’étant aventuré à sortir, ils le frappèrent et l’obligèrent à rentrer dans l’isba. On discutait sur l’attitude à tenir, mais on ne tombait pas d’accord. Le tailleur disait qu’il fallait souffrir et ne pas se défendre. Tchouieff opinait que si on se laissait faire, eux tous seraient tués, et, s’armant du tisonnier, il sortit dans la rue.

— Eh bien, selon la loi de Moïse ! s’écria-t-il, et il se mit à frapper les orthodoxes, et creva l’œil de l’un d’eux. Les autres sortirent de l’isba et retournèrent dans leurs demeures. Tchouieff fut jugé pour sa propagande et pour sacrilège.

Quant au père Missaïl, on le récompensa et il fut fait archimandrite.


XXI


Deux années auparavant, une belle et forte jeune fille, du type oriental, Tourtchaninova, était