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les sombres allées de tilleuls où la lumière de la lune ne pénétrait que par raies et par taches.

Il voyait les domestiques courir avec des victuailles et des boissons, tous : cuisiniers, intendant, blanchisseuses, jardiniers, cochers, ne travaillant que pour nourrir, servir les maîtres et faciliter leurs agréments.

Quelquefois des jeunes maîtres venaient dans sa hutte ; il leur choisissait les meilleures pommes, rouges, juteuses, et les demoiselles, en les croquant à pleines dents, disaient qu’elles étaient bonnes, puis faisaient une remarque quelconque. Vassili comprenait qu’on parlait de lui en français, après quoi, on lui demandait de chanter.

Et Vassili admirait cette vie, se rappelant sa vie à Moscou ; et l’idée que tout vient de l’argent lui trottait de plus en plus dans la tête. Vassili se demandait de plus en plus souvent comment faire pour posséder d’un coup le plus d’argent possible. Il commença à se remémorer comment, autrefois, il profitait des occasions, et il décida qu’il ne fallait pas s’y prendre ainsi, qu’il ne fallait pas faire comme autrefois, attraper ce qui est mal gardé, mais qu’il fallait combiner tout d’avance, se renseigner, et agir proprement, sans laisser aucune trace.

Vers Noël on ramassa les dernières pommes. Le patron fit un grand bénéfice, récompensa tous les gardiens, parmi lesquels Vassili, et les remercia. Vassili s’habilla, le jeune maître lui avait donné un veston et un chapeau, et n’alla pas à la maison. Il était dégoûté à l’idée de la vie rurale des paysans, et il retourna en ville en compagnie des soldats qui avaient gardé le verger avec lui, et qui s’enivraient. En ville, il décida, la nuit venue, de