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tions et blâme de ses chefs, l’amenèrent à prendre une décision à laquelle il pensait depuis longtemps, surtout depuis la mort de sa femme. Il résolut de devenir moine et de choisir la voie suivie par quelques-uns de ses condisciples de la faculté dont l’un était déjà archevêque et l’autre archiprêtre en attendant le premier évêché vacant.

À la fin de l’année scolaire Wedensky quitta le lycée, devint moine sous le nom de Missaïl et bientôt fut nommé recteur d’un séminaire, dans une ville de la Volga.


XIII


Vassili le portier cheminait sur la grand-route, se dirigeant vers le Midi. Pendant la journée il marchait, et, la nuit, l’agent de police locale lui remettait un billet de logement. Partout on lui donnait du pain et, parfois, on l’invitait à se mettre à table pour souper.

Dans un village du gouvernement d’Orel, où il passait la nuit, on l’informa qu’un marchand qui avait affermé un verger, chez un propriétaire, cherchait des hommes pour le garder. Vassili en avait assez de mendier, et n’avait pas envie de retourner à la maison. Il alla trouver le jardinier et se loua comme garde pour cinq roubles par mois.

La vie dans la hutte, surtout quand les fruits commencèrent à mûrir et qu’on apporta de la grange du maître, pour les gardiens, de grandes brassées de paille fraîche, plaisait beaucoup à Vassili. Toute la journée il restait couché sur la paille fraîche, parfumée, près des tas de pommes d’été et d’hiver encore plus parfumées que la