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choses ; d’un fils, noceur et dépensier mais « tout à fait comme il faut », à ce que pensait son père ; et de deux filles : l’aînée très bien mariée et habitant Pétersbourg ; la cadette, la préférée, Lise, celle-là même qui, une année auparavant, s’était enfuie de la maison, et qu’on venait de retrouver, avec un enfant, dans un chef-lieu lointain.

Le prince Pierre Ivanovitch aurait bien voulu demander à son frère dans quelles conditions Lise était partie, qui pouvait être le père de l’enfant, mais il ne put se décider à poser ces questions. Le matin encore, quand la femme de Pierre Ivanovitch avait exprimé à son beau-frère sa sympathie, le prince avait vu la souffrance s’exprimer sur le visage de son frère et avait remarqué les efforts qu’il faisait pour la dissimuler sous une expression orgueilleuse ; puis il s’était mis à interroger sa belle-sœur sur le prix des appartements.

Pendant le déjeuner, devant la famille et les invités, il s’était montré comme toujours spirituel et sarcastique. Avec tous il restait hautain, excepté avec les enfants, qu’il traitait avec une respectueuse tendresse. Et avec cela, il paraissait si naturel, que tous semblaient lui reconnaître le droit d’être orgueilleux.

Le soir, son frère lui organisa une partie de whist. Quand il se fut retiré dans la chambre qu’on lui avait préparée, au moment où il allait enlever son râtelier, on frappa légèrement à la porte, avec deux doigts.

— Qui est là ?

C’est moi, Michel.[1] — Le prince Michel Ivanovitch reconnut la voix de sa belle-sœur. Il fronça

  1. Les phrases en italiques sont en français dans le texte original.