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pensai-je, faut-il lui pardonner ? Oui, elle meurt, il faut lui pardonner, » ajoutai-je, cherchant à être généreux.

J’approchai jusqu’au bord du lit. Elle leva avec difficulté sur moi ses yeux dont l’un était tuméfié, et prononça difficilement, en hésitant :

— « Tu es arrivé à ce que tu voulais ! Tu m’as tuée. »

Et dans sa figure, à travers les souffrances physiques, malgré l’approche de la mort, s’exprimait la même vieille haine qui m’était si familière :

— « Les enfants…, je ne te les donnerai pas… tout de même… Elle (sa sœur) les prendra… »

Mais ce qui était pour moi l’essentiel, sa faute, sa trahison, on eût dit qu’elle ne croyait même pas nécessaire d’y faire allusion.

— « Oui, jouis de ce que tu as fait ! »

Et elle sanglota.

À la porte se tenait sa sœur avec les enfants.