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hors de moi. Elle me regarde d’un air sévère et solennel et dit : « Ne dis plus rien, tu t’en repentirais ! » Je dis que je ne puis tolérer les comédies. Alors elle crie quelque chose que je ne comprends pas et s’élance vers sa chambre. La clef grince, elle s’enferme. Je pousse la porte ; pas de réponse. Furieux, je m’en vais.

Une demi-heure après, Lise arrive en courant et tout en larmes : « Quoi ? Est-il arrivé quelque chose ? — On n’entend pas maman ! » Nous allons vers la porte de ma femme. Je pousse la porte de toutes mes forces. Le verrou est mal tiré, les battants s’ouvrent. En jupon, avec de hautes bottines, ma femme est couchée gauchement sur le lit. Sur la table, une fiole vide d’opium. Nous la rappelons à la vie. Des larmes, et puis la réconciliation. Pas la réconciliation : dans son for intérieur, chacun garde sa haine contre l’autre ; mais il faut bien pour l’instant finir la scène d’une façon quelconque, et la vie recommence comme auparavant. Ces scènes-là, et mêmes pires, arrivaient tantôt une