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Par une organisation électorale compliquée et des représentants dans les institutions gouvernementales, on fait croire aux hommes d’un certain pays qu’en choisissant quelqu’un qui ensuite avec d’autres, élira quelqu’un parmi des dizaines de candidats inconnus de lui, ou qu’en choisissant directement leurs représentants, ils participeront au pouvoir gouvernemental et, par conséquent, en obéissant au gouvernement obéiront à eux-mêmes, c’est-à-dire seront libres.

Il semble que cette tromperie devrait être évidente, théoriquement et pratiquement, puisqu’avec l’organisation la plus démocratique et le suffrage universel, le peuple ne peut pas exprimer sa volonté. 1o parce que les millions d’individus d’un peuple n’ont pas et ne peuvent avoir la même volonté, et, 2o parce que, même si pareille volonté existait, la majorité des voix ne pourrait l’exprimer. Et sans faire remarquer que les élus qui participent au gouvernement font les lois et dirigent le peuple non en vue de son bien, mais dans le seul but de conserver, parmi les partis en lutte, leur importance et leur pouvoir, sans parler de la dépravation du peuple qui en résulte : mensonges de toutes sortes, dérivatifs immoraux, vénalité — cette tromperie est encore particulièrement nuisible par l’esclavage satisfait auquel elle réduit les hommes qui l’ont subie.

S’imaginant faire leur propre volonté en obéissant au gouvernement, ils n’oseront déjà plus désobéir aux ordres du pouvoir humain, bien que ces ordres soient contraires non seulement à leurs désirs personnels, à leurs goûts, à leurs avantages, mais aussi à la loi supérieure et à leur conscience. Et cependant, les actes des gouvernements des peuples qui, soi-disant, se diri-