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— Ah ! celle-là, il n’y a que quinze ans qu’elle existe. Il y avait à Bâle un Allemand qui la composa. C’est une belle chanson ! Il l’avait inventée pour les touristes, et il me récita la chanson traduite en français :


Si tu veux aller sur Rigi,
Jusqu’à Vegiss tu n’as pas besoin de son bras,
Puisqu’on y va sur bateau à vapeur.
Mais à Vegiss prends une grande canne
Et aussi une fille sous ton bras,
Et prends aussi un verre de vin,
Mais n’en bois pas trop.
Car celui qui veut boire,
Doit le gagner auparavant…


— Ah ! la belle chanson !

Les valets l’avaient certainement trouvée très belle car ils s’approchèrent de nous.

— Qui donc a fait la musique ? demandai-je.

— Personne… C’est pour chanter, vous savez… devant les étrangers… il faut toujours du nouveau…

Quand on nous apporta de la glace et que je lui versai une coupe de champagne, il se sentit visiblement gêné. Nous heurtâmes nos verres à la santé des artistes et lui qui se tournait sans cesse vers les valets, vida la moitié de sa coupe. Puis les sourcils froncés, il eut l’air de songer.

— Il y a longtemps que je n’ai bu un vin pareil. Je ne vous dis que cela. En Italie, il y a le vin d’Asti qui est très bon, mais celui-là est meilleur. Ah ! l’Italie ! qu’il fait bon y vivre ! ajouta-t-il.

— On y sait apprécier la musique et les artistes,