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le bruit se répéta tout proche, et, derrière la porte, il entendit une voix de femme.

— Mon Dieu, est-ce donc vrai ce que j’ai lu dans la Vie des Saints ? Le Diable peut-il s’incarner en une femme ? Car, en vérité, c’est bien une voix féminine, douce, timide et tendre.

« Pfut ! cracha-t-il.

« Non, c’est une illusion », se dit-il, s’approchant du coin où, devant les icones, brillait une petite lampe. Il s’agenouilla d’un geste familier ; ce mouvement seul lui procurait toujours plaisir et consolation. Courbé en deux, ses cheveux retombant sur son visage, il heurta de son front le plancher humide et froid, à travers les fentes duquel un peu d’air passait.

… Il continua le psaume qui, selon le père Pimen, écartait les maléfices. Il dressa son corps léger et amaigri sur ses jambes nerveuses et voulut continuer sa lecture, cependant que, malgré lui, il prêtait l’oreille. Il voulut entendre. Mais tout était silencieux. Seules, les gouttes tombaient du toit dans le petit récipient placé à l’angle de la maison. Dehors, c’était le brouillard qui rongeait la neige et c’était un calme, un calme !

Et soudain, près de la fenêtre ; une voix distincte, douce, timide, une voix qui ne pouvait appartenir qu’à une femme charmante, murmura :

— Laissez-moi entrer, au nom du Christ.

Il sembla au père Serge que tout son sang affluait à son cœur et s’y arrêtait. Il ne put respirer. « Que le Seigneur ressuscite et que ses ennemis soient dispersés. »

— Mais je ne suis pas le diable. Et on entendit que la bouche qui disait cela souriait. Je ne suis pas