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fallait porter ma croix ! Mais si mon pardon a pour mobile le bien, que du moins ma réunion avec elle n’ait qu’un but spirituel ! J’ai dit à ma femme que je la suppliais d’oublier tout le passé, que je la priais de me pardonner si j’ai eu des torts, mais que, de mon côté, je n’avais aucun pardon à lui accorder. J’étais heureux de le lui dire. Qu’elle ne sache jamais combien il m’a été pénible de la revoir ! Je me suis établi dans l’étage d’en haut de la grande maison, et j’éprouve l’heureux sentiment de la régénération. »


IX

La haute société, qui se réunissait soit à la cour, soit dans les grands bals, se divisait alors comme toujours en quelques cercles, dont chacun avait sa nuance particulière. Le plus nombreux était le cercle français, celui de l’alliance franco-russe, celui de Roumiantzow et de Caulaincourt. Aussitôt après sa réconciliation avec son mari, Hélène y occupa une des premières places. L’ambassade française et beaucoup de gens connus par leur esprit et leur amabilité fréquentèrent son salon.

Elle avait été à Erfurth pendant la mémorable entrevue des deux Empereurs, et y avait connu tout ce que l’Europe contenait de remarquable et qui entourait alors Napoléon. Elle y eut un succès éclatant. Napoléon lui-même, frappé au théâtre par sa beauté, voulut savoir qui elle était. Ses succès comme jeune femme belle et élégante n’étonnèrent point son mari, car elle avait encore embelli ; mais il fut surpris de la réputation qu’elle s’était acquise, pendant ces deux dernières années, d’une femme charmante, aussi spirituelle que belle. Le célèbre prince de Ligne lui écrivait des lettres de huit pages. Bilibine gardait ses meilleurs mots pour les lancer devant la comtesse Besoukhow ; être reçu dans son salon équivalait à un diplôme d’esprit. Les jeunes gens lisaient avant de se rendre à ses soirées, pour avoir quelque chose à dire. Les secrétaires d’ambassade et les ambassadeurs lui confiaient leurs secrets, si bien qu’Hélène était devenue, dans son genre, une véritable puissance. Pierre, qui la savait très ignorante, assistait parfois à ces réunions et à ces dîners, où l’on causait