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antinaturelle, fiévreuse, folle, qui saisit les classes oisives, supérieures de la société russe, n’est que l’indice de la conscience de la criminalité de l’œuvre accomplie. Tous ces discours éhontés, mensongers, sur le dévouement au monarque, l’adoration pour lui, le désir de sacrifier sa vie (il faut dire celle des autres et non pas la sienne), toutes ces promesses, ces poitrines qui s’offrent à la défense de la terre, toutes ces stupides bénédictions des divers drapeaux et icônes, toutes ces actions de grâces, tous ces préparatifs de draps et de bandages, tous ces groupes de sœurs de charité, toutes ces quêtes pour la flotte et la Croix-rouge, données à ce gouvernement, — dont le devoir immédiat, ayant la possibilité de prendre au peuple autant d’argent qu’il lui en faut, consiste, suivant lui, en ceci : à avoir la flotte et les moyens nécessaires pour secourir les blessés, dès que la guerre est déclarée, — toutes ces prières en vieux slave, insensées et sacrilèges autant que pompeuses, que les journaux de chaque ville communiquent comme une chose importante, toutes ces manifestations, ces milliers de voix demandant l’hymne national, tous ces mensonges de journaux mauvais, sans vergogne, qui n’ont pas peur d’être dénoncés parce qu’ils sont tous les mêmes, tout cet étourdissement, cet abrutissement, dans lequel