Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tance parce que, ayant vécu soixante-quinze ans, je n’ai pas rencontré une seule fois — sauf dans le raisonnement — le brigand fantaisiste ayant l’intention de tuer ou de violer un enfant sous mes yeux, mais que j’ai vu toujours et vois encore, pas un seul, mais des millions de brigands qui violent les enfants, les femmes, les adultes, les vieillards et tous les travailleurs au nom du droit, soi-disant acquis, de la violence sur leurs semblables.

Quand j’eus dit cela, mon aimable interlocuteur, avec la rapidité de compréhension qui lui est propre, sans me laisser achever, reconnut mon argument satisfaisant.

Personne n’a vu le brigand hypothétique, tandis que le monde qui souffre de la violence est devant les yeux de tous. Et cependant, personne ne voit et ne veut voir le fait que la lutte qui peut délivrer l’humanité de la violence n’est pas la lutte contre le brigand imaginaire, mais contre les brigands réels qui violent les gens.

La non-résistance signifie seulement que les rapports naturels des êtres intelligents doivent consister non dans la violence, qu’on ne peut admettre que pour les organismes inférieurs n’ayant pas de raison, mais dans la persuasion raisonnable, et que tous les hommes qui désirent être utiles à l’humanité doivent aspirer à