Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.

reconnue et proclamée par Garrison, mais elle était placée par lui à la base de son activité pratique pour l’émancipation des esclaves.

Ma joie fut d’abord mêlée d’étonnement : comment cette grande vérité évangélique, expliquée cinquante ans auparavant par Garrison, pouvait-elle être si effacée que je la donnai comme quelque chose d’entièrement nouveau ? Mon étonnement s’accrut surtout par ce fait que non seulement les gens opposés au progrès de l’humanité, mais que les plus avancés, que les progressistes mêmes, étaient ou tout à fait indifférents, ou même hostiles à la propagation de cette loi qui est le fondement de tout vrai progrès.

Mais plus le temps s’écoulait, plus je me rendais compte de cette indifférence générale et de l’hostilité qui s’exprimaient alors et s’expriment maintenant, principalement dans le milieu des hommes politiques ; je voyais clairement que cette indifférence envers la loi de non-résistance n’était qu’un signe de sa grande importance.

« Notre devise, — écrivait Garrison, au milieu de son activité, — depuis le commencement de notre lutte morale fut : Notre patrie, c’est le monde ; nos compatriotes, toute l’humanité. Nous pensons que ce sera l’épitaphe gravée sur notre tombe. L’application de l’autre devise que