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qu’ils ne valent pas qu’on dépense pour cela une seule vie humaine, ni même un centième des moyens dépensés maintenant pour la guerre. (La guerre pour l’émancipation des nègres a coûté beaucoup plus qu’aurait coûté le rachat de tous les nègres du sud). Tous savent et ne peuvent ignorer le principal : que les guerres provoquent en l’homme les passions les plus basses, les plus grossières, le dépravent et l’abrutissent. Tous connaissent la faiblesse des prétextes qu’on invoque en faveur des guerres, tels ceux de Joseph de Maistre, Moltke et les autres : presque tous sont basés sur le sophisme que dans toute calamité humaine on peut trouver un côté avantageux, ou sur l’affirmation arbitraire qu’il y eut toujours des guerres, et que, par conséquent, il y en aura toujours, comme si les actes mauvais des hommes pouvaient se justifier par les avantages et l’utilité qu’ils apportent, ou parce qu’ils furent commis de tout temps. Tous les hommes dits éclairés savent cela. Et, tout d’un coup, la guerre éclate. Et tout cela est oublié instantanément, et même les hommes qui, hier encore, prouvaient la cruauté, l’inutilité et la folie des guerres, aujourd’hui n’emploient leurs pensées, leurs paroles et leurs écrits qu’aux moyens de tuer des hommes, de ruiner, d’anéantir la plus grande quantité de travail humain, d’attiser le