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leurs exigences, — ils crient anathème ou longue vie pour qui bon leur semble, — mais en fait, personne ne les écoute. Nous, les hommes expérimentés et instruits (je me rappelle les trente ans que j’ai vécu sans foi), nous n’avons même pas de mépris pour cela, tout simplement, nous n’y faisons aucune attention, nous n’avons pas la curiosité de savoir ce qu’ils font, ce qu’ils disent et écrivent. Le prêtre vient, on lui donne quelques francs. L’église est construite. Pour la voir inaugurer glorieusement, on mande un archevêque à la longue chevelure, et on lui donne quelques centaines de francs.

Le peuple fait encore moins attention à eux : il sait qu’il faut manger des crêpes pendant le carnaval et faire ses dévotions durant la semaine sainte. Si nous avons à résoudre une question spirituelle, nous allons chez les savants, chez les penseurs, nous nous adressons à leurs livres ou aux écrits des saints, mais pas aux prêtres ; et les gens du peuple, au contraire, dès que le sentiment religieux nait en eux, se tournent vers les vieux croyants, deviennent Stundistes ou Molokhanes. De sorte que, depuis longtemps, les prêtres n’ont d’utilité que pour eux-mêmes, pour les imbéciles, les coquins et pour les femmes.

Il faut espérer que bientôt ils n’auront affaire qu’entre eux.