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qui voient dans l’État une condition nécessaire de la vie humaine, mais aussi des révolutionnaires et des socialistes, bien qu’ils considèrent l’État actuel comme sujet à changements, reconnaissent quand même le pouvoir, c’est-à-dire le droit et la possibilité des uns à forcer les autres d’accepter des lois établies, comme condition nécessaire du bien-être de la société.

Il en fut ainsi depuis l’antiquité et cela s’est continué jusqu’à nos jours. Mais les hommes, contraints par la force d’obéir à certains ordres, ne considéraient pas toujours ceux-ci comme les meilleurs, c’est pourquoi ils se révoltaient souvent contre les dominateurs, les renversaient et remplaçaient les anciens ordres par de nouveaux qui, d’après leur conviction, garantissaient aux hommes un plus grand bien. Mais comme les hommes qui détenaient la puissance de ce fait même se dépravaient toujours, ils jouissaient de l’autorité moins pour le bien commun que pour leur bien personnel ; de sorte que le nouveau pouvoir était comme l’ancien et souvent encore plus injuste.

Il en était ainsi quand ceux qui se révoltaient contre le pouvoir existant le vainquaient. Quand la victoire restait du côté du pouvoir existant, alors celui-ci, pour se garantir, augmentait toujours ses moyens de défense et entravait encore plus la liberté de ses sujets.