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prêt pour le passage d’une période à l’autre, il ne faut plus que la poussée qui réalisera ce changement. Et cette poussée peut être donnée à chaque moment. La conscience sociale nie depuis longtemps les formes anciennes de la vie, elle est prête à en adopter de nouvelles. Tous le savent et le sentent également. Mais l’inertie du passé, la crainte de l’avenir font que souvent ce qui est prêt depuis longtemps dans la conscience ne passe pas encore dans la réalité, parfois il suffit d’un mot pour que la conscience s’impose, et cette force importante dans la vie commune de l’humanité — l’opinion publique — transforme immédiatement, sans lutte et sans violences, tout l’ordre existant.

La situation de l’humanité européenne avec le fonctionnarisme, les impôts, le clergé, les prisons, les guillotines, les forteresses, les canons, la dynamite, semble, en effet, horrible, mais cela paraît seulement. Tout cela, toutes les horreurs qui se commettent et celles à venir, toutes ne sont basées que sur notre représentation. Tout cela, non seulement ne peut pas exister mais ne doit pas exister, conformément à l’état de la conscience humaine. La force n’est pas dans les prisons, dans les fers, dans les potences, dans les canons, dans la poudre, mais dans la conscience des hommes qui emprisonnent, pendent, manœuvrent les canons. Et la