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tous les Russes sont prêts à sacrifier leur vie pour le monarque adoré, pour la gloire et la grandeur de la Russie !

Hier, d’un paysan que je connais, j’ai reçu successivement deux lettres. Voici la première :


« Cher Léon Nicolaïévitch. Eh bien, voilà ! Aujourd’hui, j’ai reçu l’avis de l’appel au service ; demain, je dois me présenter à la chancellerie. Voilà tout, et après je pars en Extrême-Orient, sous les balles japonaises. De ma douleur et celle de ma famille, je ne vous dis rien ; ce n’est pas vous qui ne comprenez pas l’horreur de ma situation et les terreurs de la guerre. De tout cela, vous, vous souffrez depuis déjà longtemps et vous comprenez tout. Combien, tout ce temps, j’ai désiré vous voir et causer avec vous ! Je vous ai écrit une longue lettre dans laquelle je vous exposais les souffrances de mon âme, mais je n’avais pas eu le temps de la recopier quand j’ai reçu cet avis, Que feront maintenant ma femme et ses quatre enfants ? Sans doute, vous-même êtes âgé et vous ne pouvez vous intéresser au sort de ma famille, mais vous pourriez demander à quelqu’un de vos amis, en se promenant, de visiter ma famille orpheline. Je vous demande de tout cœur, si ma femme ne supporte pas les souf-