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vie lui paraissait impossible, ils les écartaient pour en résoudre d’autres qui le laissaient, lui, fort indifférent, telles que le développement de l’organisme, la définition mécanique de l’âme, etc.

Pendant la maladie de sa femme, Levine avait éprouvé une étrange sensation ; lui, l’incrédule, avait prié… et prié avec une foi sincère ; mais, aussitôt rentré dans le calme, il sentait sa vie inaccessible à une semblable disposition de l’âme. À quel moment la vérité lui était-elle apparue ? Pouvait-il admettre qu’il se fût trompé ? De ce que, en les analysant froidement, ses élans vers Dieu retombaient en poussière, devait-il les considérer comme une preuve de faiblesse ? C’eût été rabaisser des sentiments dont il appréciait la grandeur… Cette lutte intérieure lui pesait douloureusement, et il cherchait de toutes les forces de son être à en sortir.


CHAPITRE IX


Accablé de ces pensées, il lisait et méditait, mais le but désiré semblait s’éloigner de plus en plus.

Convaincu de l’inutilité de chercher dans le matérialisme une réponse à ses doutes, il relut, pendant les derniers temps de son séjour à Moscou et à la campagne, Platon, Spinoza, Kant, Schelling, Hegel et Schopenhauer ; ceux-ci satisfaisaient sa raison tant qu’il les lisait ou qu’il opposait