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nisme sur le problème de mon existence, où en trouverai-je d’autres ? » Et il scrutait ses convictions scientifiques aussi inutilement qu’il eût fouillé une boutique de jouets ou un dépôt d’armes afin d’y trouver de la nourriture.

Involontairement, inconsciemment, il cherchait dans ses lectures, dans ses conversations, et jusque dans les personnes qui l’entouraient, un rapport quelconque avec le sujet qui l’absorbait.

Un fait l’étonnait et le préoccupait spécialement : pourquoi les hommes de son monde, qui, pour la plupart avaient remplacé comme lui la foi par la science, semblaient-ils n’éprouver aucune souffrance morale et vivre parfaitement satisfaits et contents ? N’étaient-ils pas sincères ? ou bien la science répondait-elle plus clairement pour eux à ces questions troublantes ? Et il se prenait à étudier ces hommes et les livres qui pouvaient contenir les solutions tant désirées.

Il découvrit cependant qu’il avait commis une lourde erreur en partageant avec ses camarades d’Université l’idée que la religion n’existait plus ; ceux qu’il aimait le mieux, le vieux prince, Lvof, Serge Ivanitch, Kitty, conservaient la foi de leur enfance, cette foi que lui-même avait jadis partagée ; les femmes en général, et le peuple tout entier, croyaient.

Il se convainquit ensuite que les matérialistes, dont il partageait les opinions, ne donnaient à celles-ci aucun sens particulier, et, loin d’expliquer ces questions, sans la solution desquelles la