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reux, pensa Anna, qu’il regrette de ne pas avoir épousée, tandis qu’il déplore le jour où il m’a rencontrée ! »

Les deux sœurs étaient en conférence au sujet du nourrisson de Kitty, lorsqu’on leur annonça Anna ; Dolly seule vint la recevoir au salon.

« Tu ne pars pas encore ? je voulais précisément passer chez toi aujourd’hui ; j’ai une lettre de Stiva.

— Nous avons reçu une dépêche, répondit Anna se retournant pour voir si Kitty venait.

— Il écrit qu’il ne comprend rien à ce qu’Alexis Alexandrovitch exige, mais qu’il ne partira pas sans obtenir une réponse définitive.

— Tu as du monde ?

— Oui, Kitty, répondit Dolly troublée ; elle est dans la chambre des enfants ; tu sais qu’elle relève de maladie ?

— Je le sais. Peux-tu me montrer la lettre de Stiva ?

— Certainement, je vais te la chercher… Alexis Alexandrovitch ne refuse pas, au contraire ; Stiva a bon espoir, dit Dolly s’arrêtant sur le seuil de la porte.

— Je n’espère et ne désire rien. — Kitty croirait-elle au-dessous de sa dignité de me rencontrer ? pensa Anna restée seule ; elle a peut-être raison, mais elle qui a été éprise de Wronsky n’a pas le droit de me faire la leçon. Je sais bien qu’une femme honnête ne peut me recevoir ; je lui ai tout sacrifié, et voilà ma récompense ! Ah ! que je te