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disposer une personne qui pouvait parler à Pomorsky.

— Vous voulez dire que le péché nous en empêche ? Mais c’est une idée fausse. Le péché n’existe plus pour celui qui croit.

— Oui, mais la foi sans les œuvres n’est-elle pas lettre morte ? dit Stépane Arcadiévitch, se rappelant cette phrase de son catéchisme.

— Le voilà ce fameux passage de l’épître de saint Jacques qui a fait tant de mal ! s’écria Karénine en regardant la comtesse, comme pour lui rappeler de fréquentes discussions sur ce sujet. Que d’âmes n’aura-t-il pas éloignées de la foi !

— Ce sont nos moines qui prétendent se sauver par les œuvres, les jeûnes, les abstinences, etc., dit la comtesse d’un air de souverain mépris.

— Le Christ, en mourant pour nous, nous sauve par la foi, reprit Karénine.

— Vous comprenez l’anglais ? demanda Lydie Ivanovna, et sur un signe affirmatif elle se leva pour prendre une brochure sur une étagère.

— Je vais vous lire « Safe and happy » ou « Under the wing ! » dit-elle en interrogeant Karénine du regard. C’est très court, ajouta-t-elle en venant se rasseoir. Vous verrez le bonheur surhumain qui remplit l’âme croyante ; ne connaissant plus la solitude, l’homme n’est plus malheureux. Connaissez-vous Mary Sanine ? vous savez son malheur ? Elle a perdu son fils unique ! Eh bien, depuis qu’elle a trouvé sa voie, son désespoir s’est changé en consolation ; elle remercie Dieu de la