Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/446

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dait discourir sur le charlatanisme des magnétiseurs, lorsqu’un cri, qui n’avait rien d’humain, retentit ; il resta pétrifié sans oser bouger, regardant le docteur avec épouvante. Celui-ci pencha la tête, comme pour mieux écouter, et sourit d’un air d’approbation. Levine en était venu à ne plus s’étonner de rien, il se dit : « Cela doit être ainsi » ; mais pour s’expliquer ce cri il rentra sur la pointe des pieds dans la chambre de la malade. Évidemment quelque chose de nouveau s’y passait ; il le reconnut à la grave expression du visage pâle de la sage-femme, qui ne quittait pas des yeux Kitty. La pauvre petite tourna la tête vers lui, et chercha de sa main moite la main de son mari, qu’elle pressa sur son front.

« Reste, reste, je n’ai pas peur, dit-elle d’une voix saccadée. Maman, ôtez-moi mes boucles d’oreilles. Lisaveta Petrovna, ce sera bientôt fini, n’est-ce pas ? »

Tandis qu’elle parlait encore, son visage se défigura tout à coup, et le même cri épouvantable retentit.

Levine se prit la tête à deux mains et se sauva de la chambre.

« Ce n’est rien, tout va bien, », lui murmura Dolly. Mais on avait beau dire, il savait maintenant que tout était perdu ; appuyé au chambranle de la porte, il se demandait si ce pouvait être Kitty qui poussait des hurlements pareils ; il ne songeait à l’enfant que pour en avoir horreur ; il ne demandait même plus à Dieu la vie