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CHAPITRE XIV


Le docteur dormait encore, et un domestique, absorbé par le nettoyage de ses lampes, déclara que son maître s’étant couché tard avait défendu de l’éveiller.

Levine d’abord troublé finit par se décider à aller à la pharmacie, se promettant de rester calme, mais de ne rien négliger pour atteindre son but, qui était d’emmener le docteur. À la pharmacie, on commença par lui refuser de l’opium avec autant d’indifférence que le domestique du docteur en avait eu à réveiller son maître ; Levine insista, nomma le médecin qui l’envoyait, la sage-femme, finit par obtenir le médicament, mais, à bout de patience, arracha la fiole des mains du pharmacien qui l’étiquetait, l’enveloppait et la ficelait avec un soin exaspérant.

Le docteur dormait toujours, et cette fois son domestique secouait les tapis. Résolu à garder son sang-froid, Levine tira alors un billet de dix roubles de son portefeuille, et, le mettant dans la main de l’inflexible serviteur, lui assura que Pierre Dmitritch ne le gronderait pas, ayant promis de venir à toute heure du jour ou de la nuit. Combien ce Pierre Dmitritch, si insignifiant d’ordinaire, devenait aux yeux de Levine un personnage important !

Le domestique, que ces arguments convain-