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levées. Laska, près du cocher, tout émue et comprenant les projets de son maître, désapprouvait le retard des chasseurs. Le premier qui parut fut Vassinka Weslowsky, en blouse verte, serrée à la taille par une ceinture de cuir odorant, chaussé de bottes neuves, coiffé de son béret à rubans, un fusil anglais à la main.

Laska sauta vers lui pour le saluer et lui demander à sa façon si les autres allaient venir ; mais, se voyant incomprise, elle retourna à son poste et attendit, la tête penchée et l’oreille aux aguets. Enfin la porte s’ouvrit avec fracas pour laisser passer Crac, le « pointer » de Stépane Arcadiévitch, bondissant au-devant de celui-ci.

« Tout beau, tout beau », cria Oblonsky gaiement, cherchant à éviter les pattes du chien qui dans sa joie, s’accrochait à la gibecière.

Il était grossièrement chaussé, portait un pantalon usé, un paletot court et un chapeau défoncé ; en revanche son fusil était du plus récent modèle, et son carnier ainsi que sa cartouchière défiaient toute critique. Vassinka comprit que le dernier mot de l’élégance, pour un chasseur, était de tout subordonner à l’attirail même de la chasse ; il se promit d’en faire son profit une autre fois, et jeta un regard d’admiration sur Stépane Arcadiévitch.

« Notre hôte est en retard, fit-il remarquer.

— Il a une jeune femme, dit en souriant Oblonsky.

— Et quelle charmante femme !

— Il sera rentré chez elle, car je l’ai vu prêt à partir. »