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suivre avec intérêt les moindres incidents de la cérémonie ; des spectatrices étrangères étaient là, retenant leur haleine dans la crainte de perdre un seul mouvement des mariés, et répondant avec ennui aux plaisanteries ou aux propos oiseux des hommes, souvent même ne les entendant pas.

« Pourquoi est-elle si émue ? La marie-t-on contre son gré ?

— Contre son gré ? un si bel homme. Est-il prince ?

— Celle en satin blanc est la sœur. Écoute le diacre hurler : « Qu’elle craigne son mari ».

— Les chantres sont-ils de Tchoudof[1] ?

— Non, du synode.

— J’ai interrogé le domestique. Il dit que son mari l’emmène dans ses terres. Il est riche à faire peur, dit-on. C’est pour cela qu’on l’a mariée.

— Ça fait un joli couple.

— Et vous qui prétendiez, Marie Wassiliewna, qu’on ne portait plus de crinolines. Voyez donc celle-là, en robe puce, une ambassadrice, dit-on, comme elle est arrangée ! Vous voyez bien ?

— Quel petit agneau sans tache, que la mariée. On dira ce qu’on voudra, on se sent ému. »

Ainsi parlaient les spectatrices assez adroites pour avoir dépassé la porte.


CHAPITRE VI


À ce moment, un des officiants vint étendre au milieu de l’église un grand morceau d’étoffe rose,

  1. Couvent d'hommes, célèbre par ses chantres.