Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/582

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le surlendemain Levine partit à son tour. Il rencontra à la gare le jeune Cherbatzky, cousin de Kitty, et l’étonna par sa tristesse.

« Qu’as-tu ? demanda le jeune homme.

— Rien, si ce n’est que la vie n’est pas gaie.

— Pas gaie ? Viens donc à Paris avec moi au lieu d’aller dans un endroit comme Mulhouse ; tu verras si l’existence y est amusante !

— Non, c’est fini pour moi : il est temps de mourir.

— Voilà une idée ! dit en riant Cherbatzky. Je m’apprête à commencer la vie, moi.

— Je pensais de même il y a peu de temps, mais je sais maintenant que je mourrai bientôt. »

Levine disait ce qu’il pensait ; il ne voyait devant lui que la mort, ce qui ne l’empêchait pas de s’intéresser à ses projets de réforme ; il fallait bien occuper sa vie jusqu’au bout. Tout lui semblait ténèbres, mais ses projets lui servaient de fil conducteur et il s’y rattachait de toutes ses forces.



FIN DU PREMIER VOLUME