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ment des aiguilles à tricoter d’Agathe Mikhaïlowna, et faisait la grimace en se reprenant à retomber dans les idées qu’il voulait chasser.

Des clochettes et le bruit sourd d’une voiture sur la route boueuse interrompirent son travail.

« Voilà une visite qui vous arrive : vous n’allez plus vous ennuyer, » dit Agathe Mikhaïlowna en se dirigeant vers la porte, mais Levine la prévint ; sentant qu’il ne pouvait plus travailler, il était content de voir arriver quelqu’un.


XXXI


Levine entendit, en descendant l’escalier, le son d’une toux bien connue ; quelqu’un entrait dans le vestibule ; mais, le bruit de ses pas l’empêchant d’entendre distinctement, il espéra un moment s’être trompé ; il conserva même cet espoir en voyant un individu de haute taille se débarrasser, en toussant, d’une fourrure. Quoiqu’il aimât son frère, il ne supportait pas l’idée de vivre avec lui ; sous l’influence des pensées réveillées dans son cœur par Agathe Mikhaïlowna, il aurait désiré un visiteur gai et bien portant, étranger à ses préoccupations, et capable de l’en distraire. Son frère, qui le connaissait à fond, allait l’obliger à lui confesser ses rêves les plus intimes, ce qu’il redoutait par-dessus tout.

Tout en se reprochant ses mauvais sentiments,