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pour le retour de sa femme ; aussi fut-il désagréablement impressionné quand un domestique vint lui annoncer qu’elle était arrivée.

Anna était rentrée à Pétersbourg le matin de bonne heure ; son mari ne l’ignorait pas, puisqu’elle avait demandé une voiture par dépêche ; mais il ne vint pas la recevoir, et elle fut prévenue qu’il était occupé avec son chef de cabinet. Après l’avoir fait avertir de son retour, Anna alla dans son appartement, et y fit déballer ses effets, attendant toujours qu’Alexis Alexandrovitch parût ; mais une heure se passa, et il ne parut pas ; sous prétexte d’ordres à donner, elle entra dans la salle à manger, parla au domestique à voix haute, avec intention, toujours sans succès ; elle entendit son mari reconduire jusqu’à la porte son chef de cabinet ; d’habitude, il sortait après cette conférence, elle le savait et voulait absolument le voir pour régler leurs rapports futurs ; il fallut se décider à entrer dans le cabinet de travail d’Alexis Alexandrovitch. Celui-ci en uniforme, prêt à sortir, était accoudé à une petite table et regardait tristement devant lui. Anna le vit avant qu’il l’aperçût, et comprit qu’il pensait à elle. Karénine, à sa vue, voulut se lever, hésita, rougit, ce qui ne lui arrivait guère, puis, se levant enfin brusquement, il fit quelques pas vers elle, en fixant les yeux sur son front et sa coiffure, pour éviter son regard. Quand il fut près de sa femme, il lui prit la main et l’invita à s’asseoir.

« Je suis très content de vous savoir rentrée, »