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les brûler, les trois dernières lettres d’Anna : le souvenir de leur entretien de la veille le fit tomber dans une profonde méditation.


CHAPITRE XX


Wronsky s’était fait un code de lois pour son usage particulier.

Ce code s’appliquait à un cercle de devoirs peu étendus, mais strictement déterminés ; n’ayant guère eu à sortir de ce cercle, Wronsky ne s’était jamais trouvé pris au dépourvu, ni hésitant sur ce qu’il convenait de faire ou d’éviter. Ce code lui prescrivait, par exemple, de payer une dette de jeu à un escroc, mais ne déclarait pas indispensable de solder la note de son tailleur ; il défendait le mensonge, excepté envers une femme ; il interdisait de tromper, sauf un mari ; admettait l’offense, mais non le pardon des injures.

Ces principes pouvaient manquer de raison et de logique, mais, comme Wronsky ne les discutait pas, il s’était toujours attribué le droit de porter haut la tête, du moment qu’il les observait. Depuis sa liaison avec Anna, il apercevait cependant certaines lacunes à son code ; les conditions de sa vie ayant changé, il n’y trouvait plus réponse à tous ses doutes, et se prenait à hésiter en songeant à l’avenir.

Jusqu’ici ses rapports avec Anna et son mari étaient rentrés dans le cadre des principes connus