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importance telle, que, malgré sa jeunesse, les dames se levèrent pour le recevoir.

C’était le nouvel adorateur de Sapho, et, à l’exemple de Waska, il suivait tous ses pas.

À ce moment entrèrent le prince Kalougof et Lise Merkalof avec Strémof. Lise était une brune un peu maigre, à l’air indolent, au type oriental, avec des yeux que tout le monde assurait être impénétrables ; sa toilette de nuance foncée, qu’Anna remarqua et apprécia aussitôt, était en harmonie parfaite avec son genre de beauté ; autant Sapho était brusque et décidée, autant Lise avait un laisser-aller plein d’abandon.

Betsy, en parlant d’elle, lui avait reproché ses airs d’enfant innocent. Le reproche était injuste ; Lise était bien réellement un être charmant d’inconscience, quoique gâté. Ses manières n’étaient pas meilleures que celles de Sapho ; elle aussi menait à sa suite, cousus à sa robe, deux adorateurs qui la dévoraient des yeux, l’un jeune, l’autre vieux ; mais il y avait en elle quelque chose de supérieur à son entourage ; on aurait dit un diamant au milieu de simples verroteries. L’éclat de la pierre précieuse rayonnait dans ses beaux yeux énigmatiques, entourés de grands cercles bistrés, dont le regard fatigué, et cependant passionné, frappait par sa sincérité. En la voyant, on croyait lire dans son âme, et la connaître c’était l’aimer. À la vue d’Anna, son visage s’illumina d’un sourire de joie.

« Ah ! que je suis contente de vous voir, dit-elle