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pensif et sérieux. Suis-je meilleure, suis-je pire que les autres ? Je crois que je dois être pire !

— Vous êtes une enfant, une terrible enfant, dit Betsy… Mais les voilà. »


CHAPITRE XVIII


Des pas et une voix d’homme se firent entendre, puis une voix de femme et un éclat de rire. Après quoi les visiteurs attendus firent leur entrée au salon. C’étaient Sapho Stoltz et un jeune homme répondant au nom de Waska, dont le visage rayonnait de satisfaction, et d’une santé un peu trop exubérante. Les truffes, le vin de Bourgogne, les viandes saignantes lui avaient trop bien réussi. Waska salua les deux dames en entrant, mais le regard qu’il leur jeta ne dura pas plus d’une seconde : il traversa le salon derrière Sapho, comme s’il eût été mené en laisse, la dévorant de ses yeux brillants. Sapho Stoltz était une blonde aux yeux noirs ; elle entra d’un pas délibéré, hissée sur des souliers à talons énormes, et alla vigoureusement secouer la main aux dames, à la façon des hommes.

Anna fut frappée de la beauté de cette nouvelle étoile, qu’elle n’avait pas encore rencontrée, de sa toilette, poussée aux dernières limites de l’élégance, et de sa désinvolture. La tête de la baronne portait un véritable échafaudage de cheveux vrais et faux d’une