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Kitty s’aperçut que Varinka dissimulait avec peine un sourire, à l’idée qu’on voulait l’accompagner.

« Non, je rentre toujours seule, et jamais il ne m’arrive rien », dit-elle en prenant son chapeau ; et embrassant encore une fois Kitty, sans lui dire « ce qui était important », elle s’éloigna d’un pas ferme, sa musique sous le bras, et disparut dans la demi-obscurité d’une nuit d’été, emportant avec elle le secret de sa dignité et de son enviable tranquillité.


CHAPITRE XXXIII


Kitty fit la connaissance de Mme Stahl, et ses relations avec cette dame et Varinka eurent sur elle une influence qui contribua à calmer son chagrin.

Elle apprit qu’en dehors de la vie instinctive qui avait été la sienne, il existait une vie spirituelle, dans laquelle on pénétrait par la religion, mais une religion qui ne ressemblait en rien à celle que Kitty avait pratiquée depuis l’enfance, et qui consistait à aller à la messe et aux vêpres, à la Maison des Veuves, où l’on rencontrait des connaissances, et à apprendre par cœur des textes slavons avec un prêtre de la paroisse. C’était une religion élevée, mystique, liée aux sentiments les plus purs, et à laquelle on croyait, non par devoir, mais par amour.

Kitty apprit tout cela autrement qu’en paroles. Mme Stahl lui parlait comme à une aimable enfant