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« J’espère, lui fut-il dit, que les roses renaîtront bien vite sur ce joli visage. » Et aussitôt la famille Cherbatzky se trouva classée d’une façon définitive.

Ils firent la connaissance d’un lord anglais et de sa famille, d’une Gräfin allemande et de son fils, blessé à la dernière guerre, d’un savant suédois et de M. Canut ainsi que de sa sœur.

Mais la société intime des Cherbatzky se forma presque spontanément de baigneurs russes ; c’étaient Marie Evguénievna Rtichef et sa fille, qui déplaisait à Kitty parce qu’elle aussi était malade d’un amour contrarié, et un colonel moscovite qu’elle avait toujours vu en uniforme, et que ses cravates de couleur et son cou découvert lui faisaient trouver souverainement ridicule. Cette société parut d’autant plus insupportable à Kitty qu’on ne pouvait s’en débarrasser.

Restée seule avec sa mère, après le départ du vieux prince pour Carlsbad, elle chercha, pour se distraire, à observer les personnes inconnues qu’elle rencontrait ; sa nature la portait à voir tout le monde en beau, aussi ses remarques sur les caractères et les situations qu’elle s’amusait à deviner étaient-elles empreintes d’une bienveillance exagérée.

Une des personnes qui lui inspirèrent l’intérêt le plus vif fut une jeune fille venue aux eaux avec une dame russe qu’on nommait Mme Stahl, et qu’on disait appartenir à une haute noblesse.

Cette dame, fort malade, n’apparaissait que rarement, traînée dans une petite voiture ; la princesse