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entré dans la maison, et vint au-devant des deux amis à la porte du vestibule. Rébenine était un homme d’âge moyen, grand et maigre, portant moustaches ; son menton proéminent était rasé ; il avait les yeux ternes et à fleur de tête. Vêtu d’une longue redingote bleu foncé, avec des boutons placés très bas par derrière, il portait des bottes hautes, et par-dessus ses bottes de grandes galoches. Il s’avança vers les arrivants avec un sourire, s’essuyant la figure avec son mouchoir, et cherchant à serrer sa redingote qui n’en avait aucun besoin ; puis il tendit à Stépane Arcadiévitch une main qui semblait vouloir attraper quelque chose.

« Ah ! vous voilà arrivé ? dit Stépane Arcadiévitch en lui donnant la main. C’est fort bien.

— Je n’aurais pas osé désobéir aux ordres de Votre Excellence, quoique les chemins soient bien mauvais. Positivement, j’ai fait la route à pied, mais je suis venu au jour fixé. Mes hommages, Constantin Dmitritch, — dit-il en se tournant vers Levine, avec l’intention d’attraper aussi sa main ; mais celui-ci eut l’air de ne pas remarquer ce geste, et sortit tranquillement les bécasses de son carnier. — Vous vous êtes divertis à chasser ? Quel oiseau est-ce donc ? ajouta Rébenine en regardant les bécasses avec mépris. Quel goût cela a-t-il ? — et il hocha la tête d’un air désapprobateur, comme s’il eût éprouvé des doutes sur la possibilité d’apprêter, pour le rendre mangeable, un volatile pareil.

— Veux-tu passer dans mon cabinet ? dit Levine