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— Comment cela, pour rien ! dit Stépane Arcadiévitch avec un sourire de bonne humeur, sachant d’avance que Levine serait maintenant mécontent de tout.

— Ton bois vaut pour le moins 500 roubles la dessiatine.

— Voilà bien votre ton méprisant, à vous autres grands agriculteurs, quand il s’agit de nous, pauvres diables de citadins ! Et cependant, qu’il s’agisse de faire une affaire, nous nous en tirons encore mieux que vous. Crois-moi, j’ai tout calculé ; le bois est vendu dans de très bonnes conditions, et je ne crains qu’une chose, c’est que le marchand ne se dédise. C’est du bois de chauffage, et il n’y en aura pas plus de 30 sagènes par dessiatine ; or il m’en donne 200 roubles la dessiatine. »

Levine sourit dédaigneusement.

« Voilà le genre de ces messieurs de la ville, pensa-t-il, qui pour une fois en dix ans qu’ils viennent à la campagne, et pour deux ou trois mots du vocabulaire campagnard qu’ils appliquent à tort et à travers, s’imaginent qu’ils connaissent le sujet à fond ; « il y aura 30 sagènes »… il parle sans savoir un mot de ce qu’il avance. — Je ne me permets pas de t’en remontrer quand il s’agit des paperasses de ton administration, dit-il, et si j’avais besoin de toi, je te demanderais conseil. Et toi, tu t’imagines comprendre la question des bois ? Elle n’est pas si simple. D’abord as-tu compté tes arbres ?

— Comment cela, compter mes arbres ? dit en