Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Agathe Mikhaïlovna, qui avait à cœur l’honneur de la maison, l’arrêta au passage dans le vestibule pour lui adresser quelques questions au sujet du dîner.

« Faites ce que vous voudrez, mais dépêchez-vous », répondit-il en continuant son chemin.

Quand il rentra, Stépane Arcadiévitch, lavé, peigné et souriant, sortait de sa chambre. Ils montèrent ensemble au premier.

« Que je suis donc content d’être parvenu jusqu’à toi ! Je vais enfin être initié aux mystères de ton existence ! Vraiment je te porte envie. Quelle maison ! Comme tout y est commode, clair, gai, disait Stépane Arcadiévitch, oubliant que les jours clairs et le printemps n’étaient pas toujours là. Et ta vieille bonne ! quelle brave femme ! Il ne manque qu’une jolie soubrette en tablier blanc ; mais cela ne cadre pas avec ton style sévère et monastique. »

Entre autres nouvelles intéressantes, Stépane Arcadiévitch raconta à son hôte que Serge Ivanitch comptait venir à la campagne cet été ; il ne dit pas un mot des Cherbatzky, et se contenta de transmettre les amitiés de sa femme ; Levine apprécia cette délicatesse. Comme toujours, il avait amassé pendant sa solitude une foule d’idées et d’impressions qu’il ne pouvait communiquer à son entourage et qu’il versa dans le sein de Stépane Arcadiévitch. Tout y passa : sa joie printanière, ses plans et ses déboires agricoles, ses remarques sur les livres qu’il avait lus, et surtout l’idée fondamentale du travail qu’il avait entrepris d’écrire, lequel, sans qu’il s’en