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quant des yeux un beau jeune homme blond qui se tenait près de la table.

— Oh ! oui, il est dans le style du salon, c’est pourquoi il y vient souvent. »

Ce sujet de conversation se soutint, parce qu’il ne consistait qu’en allusions : on ne pouvait le traiter ouvertement, car il s’agissait de la liaison de Toushkewitch avec la maîtresse de la maison.

Autour du samovar, la causerie hésita longtemps entre les trois sujets inévitables : la nouvelle du jour, le théâtre et le jugement du prochain ; c’est ce dernier qui prévalut.

« Avez-vous entendu dire que la Maltishef, la mère, et non la fille, se fait un costume de diable rose ?

— Est-ce possible ? non, c’est délicieux.

— Je m’étonne qu’avec son esprit, car elle en a, elle ne sente pas ce ridicule. » Chacun eut un mot pour critiquer et déchirer la malheureuse Maltishef, et la conversation s’anima, vive et pétillante comme fagot qui flambe.

Le mari de la princesse Betsy, un bon gros homme, collectionneur passionné de gravures, entra tout doucement à ce moment ; il avait entendu dire que sa femme avait du monde, et voulait paraître au salon avant d’aller à son cercle. Il s’approcha de la princesse Miagkaïa qui, à cause des tapis, ne l’entendit pas venir.

« Avez-vous été contente de la Nilsson ? lui demanda-t-il.