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— Écoutez donc : deux jeunes gens en gaîté…

— Des officiers de votre régiment, naturellement.

— Je n’ai pas dit qu’ils fussent officiers, mais simplement des jeunes gens qui avaient bien déjeuné.

— Traduisez : gris.

— C’est possible… vont dîner chez un camarade ; ils étaient d’humeur fort expansive. Ils voient une jeune femme en isvostchik les dépasser, se retourner et, à ce qu’il leur semble du moins, les regarder en riant : ils la poursuivent au galop. À leur grand étonnement, leur beauté s’arrête précisément devant la maison où ils se rendaient eux-mêmes ; elle monte à l’étage supérieur, et ils n’aperçoivent que de jolies lèvres fraîches sous une voilette, et une paire de petits pieds.

— Vous parlez avec une animation qui me ferait croire que vous étiez de la partie.

— De quoi m’accusiez-vous tout à l’heure ? Mes deux jeunes gens montent chez leur camarade, qui donnait un dîner d’adieu, et ces adieux les obligent à boire peut-être un peu plus qu’ils n’auraient dû. Ils questionnent leur hôte sur les habitants de la maison, il n’en sait rien seul : le domestique de leur ami répond à leur question : « Y a-t-il des mamselles « au-dessus ? » Il y en a beaucoup. — Après le dîner, les jeunes gens vont dans le cabinet de leur ami, et y écrivent une lettre enflammée à leur inconnue, pleine de protestations passionnées ; ils la montent eux-mêmes, afin d’expliquer ce que la lettre pourrait avoir d’obscur.