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montrait à Wronsky que Karénine désirait rester seul avec elle ; il compléta la leçon en touchant son chapeau et se détournant ; mais Wronsky s’adressa encore à Anna :

« J’espère avoir l’honneur de me présenter chez vous ? » lui dit-il.

Alexis Alexandrovitch lui jeta un de ses regards fatigués, et répondit froidement :

— Très heureux ; nous recevons le lundi. »

Là-dessus il quitta définitivement Wronsky, et, toujours en plaisantant, dit à sa femme :

« Quelle chance d’avoir trouvé une demi-heure de liberté pour pouvoir venir te chercher et te prouver ainsi ma tendresse…

— Tu soulignes vraiment trop ta tendresse pour que je l’apprécie », répondit Anna sur le même ton railleur, quoiqu’elle écoutât involontairement les pas de Wronsky derrière eux. « Qu’est-ce que cela me fait ? » pensa-t-elle. Puis elle interrogea son mari sur la façon dont Serge avait passé le temps en son absence.

« Mais très bien ! Mariette dit qu’il a été très gentil et, je suis fâché de le dire, ne t’a pas regrettée ; ce n’est pas comme ton mari. Merci encore, chère amie, d’être revenue un jour plus tôt. Notre cher Samovar va être dans la joie ! (il donnait ce surnom à la célèbre comtesse Lydie Ivanovna, à cause de son état perpétuel d’émotion et d’agitation). Elle t’a beaucoup demandée, et si j’ose te donner un conseil, ce serait celui d’aller la voir aujourd’hui. Tu sais