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nouvelles institutions, ces juges de paix, ces semstvos ! quelles monstruosités ! »

Et il entreprit de raconter ses aventures avec les nouvelles institutions.

Constantin l’écoutait ; ce besoin de négation et de critique, qu’il partageait avec son frère, et qu’il exprimait si souvent, lui devint tout à coup désagréable.

« Nous comprendrons tout cela dans l’autre monde, dit-il en plaisantant.

— Dans l’autre monde ! Oh ! je ne l’aime pas cet autre monde, je ne l’aime pas ! répéta Nicolas en fixant des yeux hagards sur son frère. Il semblerait bon de sortir de ce chaos, de toutes ces vilenies ; mais j’ai peur de la mort, j’en ai terriblement peur. »

Il frissonna.

« Mais bois donc quelque chose. Veux-tu du champagne ? ou bien veux-tu que nous sortions ? Allons voir les Bohémiennes ! Sais-tu que je me suis mis à aimer les Bohémiennes et les chansons russes… »

Sa langue s’embrouillait, et il sautait d’un sujet à un autre. Constantin, avec l’aide de Macha, lui persuada de ne pas sortir, et ils le couchèrent complètement ivre.

Macha promit à Levine de lui écrire si c’était nécessaire et de tâcher de décider Nicolas à venir vivre chez lui.