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— Parce que je trouve inutile de perdre ainsi mon temps.

— Permettez : comment savez-vous si ce serait du temps perdu ? Pour bien des gens, cet article est inabordable parce qu’ils ne peuvent le comprendre ; mais pour moi, c’est différent : je lis au travers des pensées, et je sais en quoi il est faible. »

Personne ne répondit. Kritzki se leva lentement et prit son bonnet.

« Vous ne voulez pas souper ? Dans ce cas, bonsoir. Revenez demain avec le serrurier. »

À peine Kritzki fut-il sorti que Nicolas cligna de l’œil en souriant.

« Pas fort non plus celui-là, dit-il, je vois bien… »

Kritzki l’appela du seuil de la porte.

« Qu’y a-t-il ? » demanda Nicolas, et il alla le rejoindre dans le corridor.

Resté seul avec Maria-Nicolaevna, Levine s’adressa à elle :

« Êtes-vous depuis longtemps avec mon frère ? lui demanda-t-il.

— Depuis bientôt deux ans. Sa santé est devenue faible ; il boit beaucoup.

— Comment l’entendez-vous ?

— Il boit de l’eau-de-vie. Cela lui fait mal.

— Et en boit-il avec excès ? demanda Levine à voix basse.

— Oui, répondit-elle en regardant avec crainte du côté de la porte, où se montra Nicolas Levine.

— De quoi parlez-vous ? dit-il en les regardant