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cueillit d’un sourire affectueux et protecteur. D’un rapide coup d’œil féminin, elle jugea la toilette de la jeune fille, et fit un petit signe de tête approbateur que celle-ci comprit.

« Vous faites même votre entrée au bal en dansant, lui dit-elle.

— Un bal où se trouve la princesse devient aussitôt animé. Un tour de valse, Anna Arcadievna ? ajouta Korsunsky en s’inclinant.

— Ah ! vous vous connaissez ? demanda le maître de la maison.

— Qui ne connaissons-nous pas, ma femme et moi ? répondit Korsunsky : nous sommes comme le loup blanc. Un tour de valse, Anna Arcadievna ?

— Je ne danse pas quand je puis m’en dispenser.

— Vous ne le pouvez pas aujourd’hui. »

En ce moment Wronsky s’approcha.

« Eh bien, dans ce cas, dansons, dit-elle en prenant vivement le bras de Korsunsky sans faire attention au salut de Wronsky.

— Pourquoi lui en veut-elle ? » pensa Kitty, qui remarqua fort bien que c’était avec intention qu’Anna ne répondait pas à Wronsky.

Celui-ci s’approcha de Kitty, lui rappela la première contredanse, et lui exprima le regret de ne pas l’avoir vue de quelque temps. Kitty regardait Anna danser et l’admirait tout en écoutant Wronsky ; elle s’attendait à être invitée par lui à valser, et comme il n’en faisait rien, elle le regarda d’un air étonné.