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approchée du groupe de femmes couvertes de tulle, de fleurs et de rubans qui attendaient les danseurs, que Kitty se vit invitée à valser par le meilleur, le principal cavalier, selon la hiérarchie du bal, le célèbre directeur de cotillons, le beau, l’élégant Georges Korsunsky, un homme marié. Il venait de quitter la comtesse Bonine, avec laquelle il avait ouvert le bal, lorsqu’il aperçut Kitty ; aussitôt il se dirigea vers elle, de ce pas dégagé spécial aux directeurs de cotillons, et, sans même lui demander si elle désirait danser, il entoura de son bras la taille souple de la jeune fille ; celle-ci se retourna pour chercher quelqu’un à qui confier son éventail, et la maîtresse de la maison le lui prit en souriant.

« Vous avez bien fait de venir de bonne heure, dit Korsunsky, je ne comprends pas le genre de venir tard. »

Kitty posa son bras gauche sur l’épaule de son danseur, et ses petits pieds, chaussés de rose, glissèrent légèrement et en mesure sur le parquet.

« On se repose en dansant avec vous, dit-il en faisant quelques pas moins rapides avant de se lancer dans le tourbillon de la valse. Quelle légèreté, quelle précision, c’est charmant ! » C’était ce qu’il disait à presque toutes ses danseuses.

Kitty sourit de l’éloge et continua à examiner la salle par dessus l’épaule de son cavalier, elle n’en était pas à ses débuts dans le monde, et ne confondait pas tous les assistants dans l’ivresse de ses premières impressions ; d’autre part, elle n’était pas