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et se rangea pour lui faire place. Un jeune homme imberbe, de ceux que le vieux prince Cherbatzky appelait des blancs-becs, avec un gilet ouvert en cœur et une cravate blanche qu’il rectifiait tout en marchant, les salua, puis vint prier Kitty de lui accorder une contredanse. La première était promise à Wronsky, il fallut promettre la seconde au petit jeune homme. Un militaire, boutonnant ses gants, se tenait à la porte du salon ; il jeta un regard admiratif sur Kitty et se caressa la moustache.

La robe, la coiffure, tous les préparatifs nécessaires à ce bal, avaient certes causé bien des préoccupations à Kitty, mais qui s’en serait douté en la voyant entrer maintenant dans sa toilette de tulle rose ? Elle portait si naturellement ses ruches et ses dentelles, qu’on l’aurait pu croire née en robe de bal avec une rose posée sur le sommet de sa jolie tête.

Kitty était en beauté ; elle se sentait à l’aise dans sa robe, ses souliers, et ses gants, mais le détail qu’elle approuvait le plus dans sa toilette, était l’étroit velours noir qui entourait son cou et auquel, devant le miroir de sa chambre, elle avait trouvé du « genre ». On pouvait à la rigueur critiquer le reste, mais ce petit velours, jamais. Kitty lui sourit avant d’entrer au bal en passant devant une glace ; sur ses épaules et ses bras elle sentait une fraîcheur marmoréenne qui lui plaisait ; ses yeux brillaient, ses lèvres roses souriaient involontairement ; elle avait le sentiment d’être charmante.

À peine eut-elle paru dans la salle, et se fut-elle