Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Le train arrive-t-il ? demanda Wronsky en s’adressant à un employé.

— Il a quitté la dernière station », répondit celui-ci.

Le mouvement croissant dans la gare, les allées et venues des artelchiks, l’apparition des gendarmes et des employés supérieurs, l’arrivée des personnes venues au-devant des voyageurs, tout indiquait l’approche du train. Le temps était froid, et à travers le brouillard on apercevait des ouvriers, couverts de leurs vêtements d’hiver, passant silencieusement entre les rails enchevêtrés de la voie. Le sifflet d’approche se faisait déjà entendre, un corps monstrueux semblait avancer lourdement.

« Non, continua Stépane Arcadiévitch qui avait envie de raconter à Wronsky les intentions de Levine sur Kitty, non, tu es injuste pour mon ami : c’est un homme très nerveux, qui peut quelquefois être désagréable, mais en revanche il peut être charmant ; il avait hier des raisons particulières de nature à le rendre très heureux ou très malheureux », ajouta-t-il avec un sourire significatif, oubliant absolument la sympathie qu’il avait éprouvée la veille pour son ami, à cause de celle que lui inspirait Wronsky pour le moment.

Celui-ci s’arrêta, et demanda sans détour :

« Veux-tu dire qu’il a demandé ta belle-sœur en mariage ?

— Peut-être bien, répondit Stépane Arcadiévitch, cela m’a fait cet effet hier au soir, et s’il est parti de