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en regardant du côté de Kitty avec un sourire moqueur.

— Je suis flatté, comtesse, de voir que vous teniez un compte aussi exact de mes paroles, — répondit Levine qui, ayant eu le temps de se remettre, rentra aussitôt dans le ton aigre-doux propre à ses rapports avec la comtesse. — Il faut croire qu’elles vous impressionnent vivement.

— Comment donc ! mais j’en prends note. Eh bien, Kitty, tu as encore patiné aujourd’hui ! » Et elle se mit à causer avec sa jeune amie.

Quoiqu’il ne fût guère convenable de s’en aller à ce moment, Levine eût préféré cette gaucherie au supplice de rester toute la soirée, et de voir Kitty l’observer à la dérobée, tout en évitant son regard ; il essaya donc de se lever, mais la princesse s’en aperçut et, se tournant vers lui :

« Comptez-vous rester longtemps à Moscou ? dit-elle. N’êtes-vous pas juge de paix dans votre district ? Cela doit vous empêcher de vous absenter longtemps ?

— Non, princesse, j’ai renoncé à ces fonctions ; je suis venu pour quelques jours. »

« Il s’est passé quelque chose, pensa la comtesse Nordstone en examinant le visage sévère et sérieux de Levine ; il ne se lance pas dans ses discours habituels, mais j’arriverai bien à le faire parler : rien ne m’amuse comme de le rendre ridicule devant Kitty. »

« Constantin-Dmitritch, lui dit-elle, vous qui savez tout, expliquez-moi, de grâce, comment il se